Vous avez eu la « chance » d’être identifié comme étant LA personne responsable d’élaborer ou de tenir à jour les organigrammes. Peut-être l’organisation n’en avait-elle pas, ou plus, parce que… ce document est considéré comme peu utile. Mais voilà, les actionnaires, les investisseurs, les banquiers ou encore la participation à un concours requièrent que vous en produisiez un... et rapidement… Ou peut-être est-ce la croissance de l’organisation ou l’ajout d’un joueur d’importance, dont il faut annoncer l’arrivée, qui a été l’élément déclencheur. Par quel bout allez-vous prendre la bête?
Au fait, à quoi sert un organigramme? Dans les scénarios évoqués comme point de départ, les objectifs sont généralement de faire valoir qu’il y a une structure claire ainsi qu’une certaine profondeur de gestion, donc suffisamment de bons leaders et de gestionnaires, et juste assez d’employés pour livrer la marchandise ou les services. Il s’agit parfois aussi de montrer que l’organisation est en mesure de gérer une croissance rapide, de planifier puis d’exécuter une transaction d’importance, d’assurer une transition sans heurts à la haute direction, ou encore de rebondir après un passage à vide parce que les activités ont été recentrées sur l’essentiel. Les utilisations peuvent aussi être plus larges, et nous y reviendrons dans notre prochain billet.
Dans le cadre que nous avons défini, ce serait assez tentant de partir des perceptions du président ou de ses principaux collaborateurs sur les capacités des uns et des autres. Ou peut-être des rôles que le chef de la direction ou un partenaire d’envergure souhaiterait voir jouer par chacun, sans avoir nécessairement eu le temps d’en discuter avec les personnes concernées. À moins que ce ne soit aussi l’occasion de régler certaines dettes et d’octroyer des postes d’importance ou des titres prestigieux en échange de précieux services, passés ou à venir. Bien sûr, la chose ne serait pas exactement exprimée aussi clairement…
Que se passerait-il si vous donniez suite à ces attentes? Disons que l’efficacité de l’organisation pourrait être mise à mal. Pourquoi? À cause de ce constant besoin d’adéquation entre le profil de l’individu et celui du poste qu’il occupe en ce qui a trait aux compétences et aux connaissances bien sûr, mais aussi aux habiletés et aux aptitudes, aux intérêts et aux aspirations, et d’adaptation au contexte et aux besoins à court et moyen terme de l’organisation.
Des exemples? Imaginons une entreprise ou un service qui traverse une tourmente, qui est dans un contexte de redressement. Vous savez déjà qu’il faudra de trois à cinq ans pour mener à bien la transformation correspondante, depuis la prise de décisions difficiles jusqu’à la sortie du proverbial tunnel. Choisiriez-vous dans le rôle clé de gestion une personne qui mise d’abord et avant tout sur le consensus? Les décisions difficiles auraient du mal à se prendre… Imaginons plutôt que l’unité d’affaires a traversé le pire de la crise, qu’elle entame la phase de remontée. Un profil de « redresseur » aura alors plus de mal à rassembler. Est-ce à dire qu’une même personne est incapable de jouer les deux rôles? Non, bien sûr, simplement qu’il faut tirer parti des forces et inclinations naturelles pour maximiser les chances de succès, individuelles et organisationnelles, et qu’il faut savoir tenir compte des profils plus typés.
Autre exemple. Un individu est identifié par ses supérieurs comme le prochain joueur étoile, la prochaine personne à piloter ces projets stimulants et exigeants qui sont au cœur même de la stratégie de l’entreprise… sauf que… Sauf que la personne en question a des objectifs professionnels qui sont associés à moins d’investissement personnel parce que d’autres projets, hors travail, lui tiennent profondément à cœur. Ou parce que la personne est peut-être très performante dans ce genre de dossiers, mais qu’elle ne s’y investit que par loyauté, n’aime pas ça, et pourrait se sentir forcée de quitter l’organisation pour relever ailleurs des défis qui lui plaisent.
Peut-être avez-vous été témoin de situations qui illustrent des différences de perception à propos de la performance et du potentiel d’un individu, selon les publics (haute direction, collègues, employés). De ce décalage tendent à naître des performances sub-optimales, car on a rarement envie de donner le meilleur de soi-même quand on œuvre au sein d’un environnement qui ne nous convient pas. Peut-être avez-vous aussi constaté un découpage des responsabilités, un regroupement des rôles dans des unités, services ou départements qui avaient pour effet un dédoublement de certaines tâches, un manque de cohérence dans la prise de décision ou dans l’action, une collaboration parfois difficile.
Comme quoi dessiner un organigramme, ce n’est pas très compliqué, mais en faire un qui réponde aux besoins et contribue à l’efficacité de l’organisation, c’est autre chose. Et bien sûr, encore faut-il avoir les bons profils dans les bonnes cases… Nous explorerons la chose dans un prochain billet, ainsi que les questions à se poser pour tendre à unifier structure, gouvernance, culture et performance.
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