Ce texte a initialement été publié sur LaRéférenceRH - EY2024BRH2646
INTRODUCTION
On parle souvent de courage managérial, le plus souvent d’ailleurs pour faire ressortir qu’il en manque. Parmi les contextes dans lesquels le thème est abordé, mentionnons le leadership, la prise de décisions ou encore la gestion de contextes complexes et de situations difficiles.
Mais de quoi s’agit-il au juste et pourquoi est-ce important non seulement d’en parler, mais de l’exercer ? Et alors, comment fait-on ?
I– QU’EST-CE QUE LE COURAGE MANAGÉRIAL ?
Commençons par nous attarder aux mots.
On parle de courage. Le courage n’est pas l’absence de peur, c’est la capacité et la volonté, d’avancer même si l’on a peur. C’est, selon le Larousse, la fermeté, force de caractère qui permet d'affronter le danger, la souffrance, les revers, les circonstances difficiles.
Maintenant, voyons le terme « managérial ». Il fait référence au management, donc, toujours selon le Larousse, à l’ensemble des techniques de direction, d’organisation et de gestion de l’entreprise. Pour les besoins de cette chronique, on l’appliquera à tout leader, qu’il soit gestionnaire ou pas, compte tenu de sa capacité à influer sur les décisions et la vie de l’organisation.
Lorsque l’on associe ces deux éléments, la définition devient la capacité et la volonté d’agir dans des situations que l’on considère comme inconfortables ou difficiles, qui comportent pour nous des risques. Les actions en question pourront, par exemple, être le fait de s’exprimer face à une situation que l’on trouve délicate, voire inacceptable, prendre des décisions dont on sait qu’elles seront impopulaires, prendre des risques qui peuvent impliquer plusieurs personnes ou équipes, ou encore gérer les problèmes de performance. Le courage managérial, ce n’est donc pas seulement la capacité d’agir, c’est le fait de passer à l’action plutôt que de rester sur les lignes de côté.
II– POURQUOI LE COURAGE MANAGÉRIAL EST-IL IMPORTANT ?
La réalité des organisations est de plus en plus complexe, le contexte géopolitique et financier de plus en plus polarisé et fragmenté, et la résilience des personnes a été mise à rude épreuve depuis la pandémie et encore aujourd’hui. Au sein des organisations, on cherche encore comment se réinventer après les bouleversements de la pandémie de COVID-19, et comment inventer une nouvelle normalité entre télétravail et besoin de connexion.
A. L’évolution
Les choses évoluent si vite qu’il est certain que nous serons confrontés à des situations inédites pour lesquelles notre expérience ne nous a pas préparés… et peut-être même pour lesquelles elle nous joue des tours. Ainsi, le fait de savoir gérer des équipes à 100 % au bureau ne nous a pas préparés à gérer 100 % de télétravail, et la combinaison des deux ne rend pas plus simple un retour progressif ou partiel au bureau…
On sait depuis longtemps qu’il nous faudra faire face aux changements climatiques, mais cela semblait si loin, alors que maintenant ce sont des industries entières qui sont mises à mal. Et puis il y a l’intelligence artificielle. Cela semblait une bonne chose quand elle ne s’occupait que de choses simples et répétitives mais maintenant, elle nous fait nous interroger sur ses impacts potentiellement dangereux sur l’humanité, comme le soulignait une IA justement. Alors il faut oser dire qu’on ne sait pas, et qu’il va falloir mettre plusieurs têtes ensemble pour trouver des réponses ou des solutions. Et c’est sans compter ces transitions qui sont nécessaires pour assurer le succès à long terme et impliqueront des passages inconfortables ou même difficiles à court terme.
Les attentes de la société et des gens qui travaillent évoluent. Des comportements qui étaient sinon acceptés du moins tolérés, il y a quelque temps, sont maintenant considérés comme inacceptables. C’est vrai de la part des personnes en autorité, c’est vrai aussi de la part de nos collègues et dans toutes les circonstances de la vie ordinaire. Se taire quand on est témoin, ou ne pas en tenir compte quand on peut agir, peut nuire à notre réputation ainsi qu’à celle de notre organisation, nuire au climat de travail et aux résultats.
On n’accepte plus non plus que trop d’acteurs de la société civile aient à pâtir de l’augmentation des profits des entreprises. La notion de succès englobe maintenant la rentabilité, bien sûr, mais aussi le fait de ne pas nuire, quand ce n’est pas aussi de contribuer positivement à la société, aux écosystèmes auxquels appartient l’organisation.
B. Un besoin de confiance
À ces évolutions se combinent des phénomènes à l’échelle humaine, individuelle. Ainsi, suivre un dirigeant, ce n’est plus un automatisme, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre. Et même si le resserrement économique diminuait quelque peu la pression sur les employeurs, les attentes des personnes relativement à un emploi et à tout ce que cela implique ont bien changé. On veut comprendre, on veut pouvoir avoir confiance. Les réponses du style « parce que je suis le patron » ou « parce que c’est comme ça » ou les messages de type « faites ce que je dis mais pas ce que je fais » ne sont plus acceptables. Elles peuvent mener non seulement à un désengagement passif, mais à des départs.
On dirait que bien des gens, de tous âges et de tous horizons, ont accumulé une telle tension en eux-mêmes que les problèmes de santé mentale et/ou de comportement se font non seulement plus fréquents mais plus intenses. Même dans les organisations, on déploie auprès d’adultes des formations sur la civilité ou sur les biais cognitifs en vue d’éviter des frictions, des manques de respect, des agressions. Chacun souhaite pouvoir être pleinement vu, entendu, inclus et respecté. Et on s’attend des organisations à ce qu’elles ôtent les obstacles et mettent en place ce qui est nécessaire. Les impacts pour un leader ou une organisation d’être associé à des discours ou actions qui ne respectent pas les nouvelles normes sociales peuvent subir des contrecoups dommageables tant à court qu’à long terme.
III– COMMENT FAIRE POUR (MIEUX) EXERCER SON COURAGE MANAGÉRIAL ?
Nous avons défini ce qu’est le courage managérial pour ensuite nous pencher sur ce qui fait qu’il faille s’y intéresser et avons constaté qu’un manque en la matière – des individus comme des organisations – peut avoir des conséquences dommageables sérieuses. Mais alors, comment faire pour le développer, pour l’exercer ?
Disons pour commencer que, comme tout comportement dont on souhaite faire une habitude, il faut l’envisager comme un muscle. La clé du succès réside dans la répétition. Répétition de quoi ? Voyons un peu :
Donnez le meilleur de vous-même, soyez fiables pour établir votre crédibilité et osez dire « je ne sais pas ».
Vous gérez une équipe ? Alors, assurez-vous qu’elle comprenne des personnes qui sont plus compétentes que vous dans certains domaines ou sur certains aspects, et qui ne partagent pas toujours vos points de vue.
Vivez vos convictions : sachez celles qui sont vraiment importantes pour vous et pourquoi, parlez-en, agissez en conséquence. Et si vous avez l’impression que vous seriez alors comme Don Quichotte dans une organisation dont vous ne partagez pas les valeurs, peut-être n’êtes-vous tout simplement pas au bon endroit… Oui, il est parfois nécessaire d’oser exprimer son désaccord par rapport à un groupe, mais ça ne saurait être tout le temps.
Soyez responsable. Il s’agit d’assumer les conséquences de vos paroles et de vos actions, dans le succès comme dans les difficultés ou dans l’erreur. C’est donc à l’opposé de la tendance qu’ont certains d’accepter les lauriers, certes, mais de blâmer les autres pour les échecs.
Oser donner et accepter la rétroaction. Vous pourriez à l’occasion inviter des personnes avec qui vous travaillez à partager leurs observations ou à vous donner des conseils. D’un autre côté, si vous observez un membre de votre équipe dont la performance n’est pas tout à fait satisfaisante, partez du principe qu’il y a peu de chances que les choses se corrigent d’elles-mêmes, et qu’il est plus facile de progresser quand vous savez ce qu’il s’agit d’améliorer, pourquoi c’est important, et comment vous y prendre. Et vos meilleurs éléments apprécieront que vous interveniez auprès des personnes qui ne répondent pas vraiment aux attentes.
Décidez. Rares sont les moments où vous disposerez de toutes les informations. Il y aura des risques à décider ainsi, et d’autres si vous attendez d’en savoir « davantage ». Soyez réalistes et proactifs.
Osez quelque chose de nouveau ou de différent. Ce peut être une nouvelle approche ou de confier une responsabilité à une personne avec qui vous avez moins travaillé. Ce peut être aussi de remettre sur la table à dessin ce projet qui vous tient à coeur ou les essais qui jusqu’à présent n’ont pas été très concluants.
Peu importe ce que vous faites ou dites, vous aurez un jour des conflits. Et tenter de les éviter à tout prix pourrait en générer de bien plus importants, ou vous faire perdre la confiance ou le respect de votre équipe, de vos collègues, de vos supérieurs. Osez en premier lieu ceux qui sont en lien avec vos valeurs et convictions.
CONCLUSION
Les organisations et les personnes gagnent à faire preuve de courage managérial pour inspirer confiance, pour susciter l’adhésion, pour faciliter l’atteinte de leurs objectifs. A contrario, celles qui n’en font pas preuve peuvent voir leur réputation en pâtir. Certes, ce n’est pas toujours simple ni confortable de faire preuve de courage managérial. Ce n’est pas sorcier non plus.
Comme dans bien des choses, il s’agit d’abord pour vous de lui donner un sens et une direction. Pour ensuite choisir, peut-être parmi les suggestions évoquées, peut-être autre chose, une ou deux actions que vous mettrez en application, régulièrement jusqu’à ce qu’elles fassent partie de vous. Et puis ensuite, qui sait, peut-être aurez-vous envie de renforcer ce muscle davantage et de revoir, que vous soyez ou non gestionnaire, le genre de leader que vous souhaitez être.
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